Exemples.

« Les disparus de l’anneau », scénario fictif, C.Lory, 2011

Il est un endroit, situé à Saint Aubin, sur le plateau de Saclay, un endroit où, quand on est un électron, il ne fait pas bon aller….Il est situé quelque part dans l’anneau de stockage de SOLEIL, dans la cellule 1, d’après nos premiers indices.
Selon les rumeurs, plusieurs victimes électrons ont ainsi disparu, ce fameux jour, le vendredi 20 janvier 2012, lors d’un redémarrage machine…..Mais nos sources nous ont également révélé que ces disparitions mystérieuses n’étaient pas les premières.
Moi détective privée, intriguée par ces disparitions répétées, j’ai décidé de mener mon enquête.
Retour sur l’affaire des disparus de l’anneau de stockage…

Espérance de vie  et population électronique

L’électron certes ne vit pas longtemps. Mais son espérance de vie s’est quand même améliorée au fil des années. Elle est passée de 7h depuis le démarrage de l’« électronicité » (humanité des électrons) à SOLEIL et s’est stabilisée depuis 2011 à 20h.
Quant à la population, en mode normal (NB mode multipaquets), elle était de 1475 milliards de résidents (intensité de 200mA) en 2007 et est passée aujourd’hui à 2950 milliards (400mA). Nos statisticiens de la machine prévoit un électro-boom dans les mois à venir avec une communauté de l’anneau qui atteindrait 3690 milliards d’électrons (avec le passage à 500 mA).

Crise des transports

J’apprends également qu’on oblige les électrons à se regrouper par « paquets », sortes de bus itinérants. En effet, il n’y a au maximum que 416 bus de disponibles sur cette route quasi circulaire de 354 mètres. Il y a donc 8.9 milliards de passagers par bus….Malheureusement on ne pourra pas augmenter ce nombre de bus. Il est contraint physiquement d’une part, par le grand métronome de la machine qui synchronise la vie électronique (RF machine, 352 Mhz) et d’autre part, la circulation dans l’anneau (nombre de tours par seconde).

Préavis de grève
Parfois, suite à des préavis annoncés par la salle de contrôle, on réduira même le nombre de bus pour n’en laisser que 8 en circulation, voire seulement 1 en y mettant le maximum de passagers… c’est la crise des transports. Cette procédure se fait en complicité avec certains scientifiques de SOLEIL.
Actuellement, afin d’éviter toute rébellion, on tend à proposer une solution alternative, le mode hybride. On remplit 312 bus, sur ¾ d’anneau, et on libère les autres, sauf un que l’on remplit au maximum, c’est-à-dire avec 73.75 milliards de passagers (10 mA), la limite de l’acceptable ! Alors récemment, certains collègues des lignes, concernés par le confort des passagers électrons, ont demandé d’abaisser ce nombre de moitié (5 mA) dans le gros bus, ce qui est appliqué actuellement. Il est à noter également que ces bus ne roulent pas vraiment. Ce sont les électrons placés dedans qui se déplacent, en fait. En somme, ces bus ne sont là que pour regrouper les passagers et éviter d’avoir trop d’électrons libres. Pour la suite de l’histoire on considèrera les groupes d’électrons sans les bus.

Repeuplement forcé et dopage…
Malgré cette promiscuité électronique et l’apparente qualité de vie électronique, le taux de natalité est nul. En effet, j’apprends au cours de mon enquête que l’électron, bien qu’il puisse avoir des liaisons lorsqu’il est célibataire, ou souhaite bien souvent s’apparier avec d’autres électrons de son voisinage proche, est finalement stérile…De plus, ceux de l’anneau ont quitté depuis longtemps leur noyau d’origine et sont à présent très libres….Alors comment garantir un tel taux de population stable ?
Je suis allée en salle de contrôle pour en savoir plus sur la stratégie appliquée à SOLEIL. On m’a indiqué un premier suspect qui pourrait avoir sa part de responsabilité dans cette affaire, un certain JFL….

Monsieur, pouvez-vous m’en dire plus sur votre politique pour maintenir le taux de population électronique avec une telle stabilité ?

JFL : « Les électrons meurent de causes accidentelles lorsqu’ils font de mauvaises rencontres, des molécules de gaz résiduel ou des ions par exemple, ou lorsqu’on les fatigue en les faisant trop slaloomer dans les onduleurs….Pour vous donner un exemple, pour une durée de vie de 10 heures, avec des onduleurs en action, on perdrait 4.9 milliards d’individus si on ne faisait rien (nb 0.66 mA).

Alors régulièrement pour accroitre la population, notre équipe de la salle de contrôle repeuple toutes les 3 minutes l’anneau de stockage. Cela compense les pertes et permet de maintenir une population très stable. Ce repeuplement forcé s’appelle le « top up ».   Mais il faut aussi en parallèle remotiver

Mais il faut aussi en parallèle remotiver ceux qui sont déjà là. Vous savez, certains électrons aimeraient se laisser mourir. Nous devons donc régulièrement les doper à chaque passage. Sans cela, ils perdraient leur énergie et se laisseraient tourner en « spiralant » vers l’intérieur de leur trajectoire normale pour venir s’écraser lamentablement sur les parois de la chambre à vide. Or sur leur piste, il y a des passages très étroits, comme la chambre de l’onduleur de SIRIUS, où ils seraient très tentés de venir finir leur jours, je veux dire, leurs dernières millisecondes…nous voulons à tout prix éviter cela.
Pour cela, nous avons placé à deux endroits de l’anneau deux enceintes de ravitaillement appelées cavités RF. Ils en ressortent tout revigorés. »

Sceptique, j’essaye de trouver les concernés et d’avoir une connexion électronique avec eux. Bien sûr méfiants, ils ne veulent pas me parler, mais je parviens à discuter avec l’un d’entre eux.

L’électron, planqué derrière la cathode :
« Oui, c’est dans deux gros tunnels bizarres dans l’anneau, on entend le grand métronome de la machine, il résonne bien ici. On prend alors un shoot de RF, on surfe sur la « vibe » et on reprend du peps…Vous savez, là-bas dans la salle de contrôle, ils ne veulent pas nous laisser aller tout droit. Eux, ce qui les amuse c’est de nous dévier avec des gros aimants tout le long de la piste. On n’aime pas ça, on s’énerve, on « crache nos photons » et c’est ça qui les intéresse, de ce que j’ai compris… Alors, il faut bien cela, pour pouvoir tourner pendant plusieurs heures, faire des loopings dans le HU640 et les autres engins de l’anneau…c’est notre petit réconfort au cours du circuit…..bon, je vous laisse, je dois partir dans 3 minutes. ».

« Attendez, s’il vous plait » lui demandais-je. « Savez-vous qui était présent en salle de contrôle le vendredi 20 janvier matin ? »
L’électron : « Euh, je ne sais pas, des opérateurs, c’est sûr, au moins deux… et puis deux voix féminines aux commandes…Maintenant je sais qu’on a retrouvé des initiales mystérieuses sur les parois de la chambre à vide de la cellule n°1, gravées par nos amis disparus : MAT… mais je ne peux pas vous en dire plus, on est observé dans ce tunnel. Ne dites surtout pas que je vous ai parlé.»
MAT, MAT…un sigle physique ? Les initiales d’une personne ? Le début du prénom d’un collègue ensoleillé ? Le mystère reste entier…
Je retourne vers la salle de contrôle et retrouve mon suspect numéro 1.

Visite médicale
Au cours de mon enquête, je découvre qu’il existe des médecins et des traitements pour les électrons.
Moi : « JFL pouvez-vous m’en dire plus ? »
JFL : « Une des maladies chroniques que nous suivons est l’effet Toushek. Elle provoque des énervements et un manque de politesse des résidents qui pourraient se collisionner entre eux. Vu leur concentration dans chaque bus et la population totale, on ne peut pas l’enrayer, on fait avec. On souhaite limiter ses effets quand on sent que ça peut déraper. Il y a d’autres pathologies que nous surveillons bien évidemment. On a les moyens de vérifier plus de 60 000 paramètres pour nous aider à poser le bon diagnostic quand une maladie électronique est déclarée. »

Les médecins font partie du groupe Diagnostics. Ce sont eux qui ont mis en place le système de consultations à distance grâce à des caméras placées dans l’anneau pour observer l’état des électrons. Des stéthoscopes électroniques appelés BPM (Beam Positioning Monitors) et autres appareils (steerers) ont également été placés le long de l’anneau. On veut s’assurer que les électrons sont en forme et qu’ils suivent bien leur trajectoire sans tituber et sans trop se cogner avec leurs voisins.
On essaye toujours de faire de la médecine préventive. Et bien sûr, quand il y a un problème on doit le traiter de la meilleure façon.

Ainsi les médecins ont défini les préconisations pour rétablir la situation en cas de problème de santé publique et ont mis au point le système de piqûres intégrées tout le long de l’anneau, avec des seringues ultrarapides à 10 000 injections par seconde (correcteurs d’orbites ultrarapides FOFB). Il y a également une vaccination avec un rappel à chaque tour (strip-lines du système feedback transverse ou FBT). Tout cela permet aux électrons de filer droit, enfin rond sur leur trajectoire. Cela évite aussi les mouvements de foule incontrôlés si les électrons font de mauvaises rencontres (molécules de gaz résiduel ou des ions par exemple). »

Après cette première série d’interrogatoires, je reste stupéfaite. Mais comment diable ces électrons du vendredi matin ont-ils pu disparaitre, avec cette politique qui semble assez efficace et cette volonté de maintenir un bon taux de population et une bonne qualité de vie des résidents ? On ne m’a certainement pas tout dit et je n’ai toujours pas rencontré mon autre suspect féminin et le lien avec les trois lettres mystérieuses MAT….
Qui est, ou qui sont les coupable(s) ?
Retrouvez bientôt la suite de l’enquête….

Remerciements à mes collègues M.A T, et J.F.L.